LA MÉDITATION, OUTIL SOPHROLOGIQUE ? 3e partie

Du cadre théorique au cadre pratique

Après avoir exposé le versant «objectif» de la méditation en décrivant ses effets physiologiques, nous avons évoqué le vécu subjectif qui correspond à la «psychologie de la méditation». Pour plus d’information, nous renvoyons à quelques ouvrages spécialisés : ceux de Mark EPSTEIN, David FONTANA, Jean-Pierre SCHNETZLER et Jacques VIGNE.

Nous avons vu qu’en Europe, au début du XXième siècle, alors que la psychanalyse prenait un essor qui allait déterminer l’histoire de la psychologie pendant plusieurs décennies, quelques praticiens ont développé des méthodes psycho-corporelles directement en rapport avec la méditation; il s’agit principalement de Roberto ASSAGIOLI, Carl HAPPICH, Carl Gustav JUNG et Johannes-Heinrich SCHULTZ dont le Training Autogène est intégré dans l’enseignement de la sophrologie. Cependant, pour la pratique plus spécifique de la méditation, CAYCEDO s’est plutôt inspiré du ZEN. 

Dans cette troisième partie de notre article, nous allons essayer de montrer quel type de processus est à l’œuvre dans la pratique; ensuite, nous attirerons l’attention sur quelques difficultés ou dangers qui se présentent au débutant et aux habitués de la méditation.

Réexaminons à nouveau la méthode que Sri AUROBINDO propose dans son Yoga intégral. Le processus est d’une apparente simplicité qui le rend accessible à tous, sans présupposés philosophiques ou religieux particuliers; nous savons cependant qu’à travers notre culture, nous participons inévitablement à certains paradigmes, à certains systèmes de pensée, à une représentation du monde, qui influencent nos décisions et nos jugements.

1 Début de la pratique 

A partir du désir sincère de «rentrer en soi-même» (pratique d’intériorité), Aurobindo propose d’instaurer le silence mental.En voici le déroulement :

«Asseyez-vous en méditation,mais ne pensez pas, regardez seulement votre mental; vous verrez les pensées entrer dedans. Avant qu’elles ne puissent entrer, rejetez-les, et continuez jusqu’à ce que votre mental soit capable de silence complet
 ( cité par SATPREM dans «Sri Aurobindo ou l’aventure de la conscience») 

  • «Asseyez-vous en méditation…»:
    la question de la posture est simplifiée; quelle position assise? Suivant les traditions auxquelles on se réfère, la position varie ; en sophrologie, on insiste sur la position telle qu’elle est pratiquée en za-zen. Cependant, et c’est sans doute plus simple pour les débutants, il faut surtout exiger une position «droite mais pas rigide», c’est-à-dire une position qui respecte la courbure de la colonne vertébrale en position assise. On peut aussi parler de «position égyptienne» qui correspond à l’attitude hiératique des statues ou des personnages représentant l’autorité dans les fresques égyptiennes où l’on peut percevoir leur éveil intérieur. L’aboutissement idéal de la méditation est de pouvoir ouvrir les yeux sur le monde avec la force, le calme et l’éveil du regard intérieur. 

Notez bien : Quelle que soit la position corporelle adoptée, il est nécessaire (et indispensable en tous cas pour les débutants) que la méditation soit accompagnée d’un ancrage corporel. Cela peut se faire par une série d’exercices qui précèdent et suivent la méditation (type élongation et/ou exercices respiratoires) ou par un rappel du corps en méditation (par la respiration et certaines sensations intérieures) 

  • «…mais ne pensez pas, regardez seulement votre mental; vous verrez les pensées entrer dedans. Avant qu’elles ne puissent entrer, rejetez-les,… »:

 ces affirmations n’ont pas de sens dans notre éducation occidentale car on nous apprend habituellement que «ne pas penser», c’est impossible, ou inutile ou bien cela conduit à s’endormir ou bien, pour agir de cette manière, il vaut mieux aller au monastère (sous-entendu, ce type de comportement n’est pas conseillé dans notre culture). Devenir observateur de ses pensées n’est pas étonnant pour les philosophes ni pour les psychologues mais imaginer qu’elles viennent «de l’extérieur» est un contresens pour la psychologie et pour les neurosciences car chacun sait que c’est le cerveau qui pense. Et pourtant peut-on dire «je suis mon cerveau» ? ou «quand je pense, est-ce mon cerveau qui est responsable de ma pensée ; est-ce mon cerveau qui rend compte de l’identité (du « moi »,du « soi ») de celui qui pense» ?, autrement dit «mon identité réside-t-elle dans l’intégrité de mon cerveau ? ou de mon corps dans sa totalité?» ou «suis-je « plus » ou « autre » que mon corps?». Chacun répondra à ces questions suivant ses conceptions philosophiques. 

« Pour ceux qui ont suivi une psychanalyse, l’idée d’ignorer le cours de leur pensée peut ne pas apparaître naturellement. Benson (1976) nous rappelle que la psychanalyse entraîne les personnes à considérer leurs pensées comme un lien vital avec leur “moi intérieur” (Inner self). Les personnes qui ont vécu cette forme de thérapie peuvent avoir au départ quelques difficultés à apprendre la méditation. » (Rosemary PAYNE,2000)

Reprenons le principe général de toute initiation qui est d’apprendre avant de comprendre, principe d’humilité qui nous mène à pratiquer des techniques apparemment absurdes selon notre logique mais qui nous ouvrent à ce monde paradoxal des états modifiés de conscience, la méditation en l’occurrence. 

Apprenons donc à ne pas accrocher du regard tous les oiseaux ou tous les nuages qui passent dans le ciel. Laissons flotter la conscience dans des espaces libres de toute attache.

  • «…et continuez jusqu’à ce que votre mental soit capable de silence complet.»:

cette première étape appelée «silence mental» demande des semaines ou des mois avant de s’installer durablement. La pratique régulière et la motivation engendrent automatiquement un résultat. Continuité, régularité, sincérité et motivation sont les branches sur lesquelles fleurissent les fruits de la pratique. L’enseignement traditionnel nous dit, de plus, que des événements particuliers (des synchronicitésen langage jungien) renforcent la motivation des méditant(e)s et les aident à poursuivre, à condition que leur désir soit sincère.

Durant toute cette première partie, la tâche du débutant est de construire un «moule de méditation», un contenantdans lequel pourra se développer le processus méditatif. C’est ici que les mots rendent difficilement compte du processus car le contenant, en méditation, n’est pas totalement séparable du contenu. On peut aussi parler du «champ», de «l’espace», du «support»,de la «base». Tous ces mots se résument à un creuset, une matrice à partir de laquelle le reste survient et se développe. C’est le mot matricequi exprime le plus adéquatement ce processus vivant dans lequel le contenant nourrit et fait vivre son contenu. Et, bien qu’ils soient séparables, le contenant et le contenu sont aussi indissociables: l’enfant ne vient pas au monde sans sa mère; une mère ne devient mère que par son enfant.

2.Que faire pour aller plus loin ?

C’est-à-dire, comment médite-t-on ? Y a-t-il autre chose que le silence ? Peut-on méditer sur le vide ? Y a-t-il intérêt à choisir un contenu ?

Pour l’être humain, le vide total, même s’il est chargé d’une potentialité totale, correspond à un élément déstabilisant; depuis nos ancêtres (culturels) grecs, la Nature a horreur du vide; celui-ci n’apparaît pas assez «solide», assez stable et sécurisant. Nous nous plaçons ici dans l’optique d’un(e) débutant(e) en méditation et nous n’entrons donc pas dans le débat de l’importance et de la signification du vide.

L’être humain est un être de matière et de forme; même s’il existe en lui une zone, un lieu sans forme, il a besoin, pour exister («ex-sistere»), de s’appuyer sur un support qui prend forme et qui lui permet de «tenir debout». Le vide n’est que la potentialité d’existence, ce qui rend possible l’émergence d’une forme dans un espace qui, s’il n’était pas (au moins partiellement) vide, empêcherait le déploiement total et l’accomplissement de toutes nos potentialités. C’est dans le contenu que nous percevons les fruits de la méditation.

Dans ses aphorismes sur le yoga, PATANJALI (IIIième siècle environ avant JC) distingue deux grandes voies de méditation: la méditation avec objetet la méditation sans objet.

Cela revient à faire un choix entre une méditation centrée sur le contenant (la vacuité) sans objet particulier et une méditation avec objet; celle-ci exige de choisir un contenu précis qui peut appartenir à n’importe quel registre de l’existence humaine.

A partir du silence mental, nous pouvons percevoir ce lieu intérieur du vide qui n’est pas le néant (encore que certains auteurs diront que c’est la même chose, puisque du point de vue philosophique, dès que l’on nomme une chose, on lui attribue une existence); nous percevons alors le support, le vase, le creuset, le moule dans lequel la méditation peut se produire. Nous pouvons rester dans cette matrice sans autre désir que d’y être.

La méditation sans objet ou méditation sur le vide (encore que le vide puisse être considéré comme objet) est difficile, longue, pénible et parsemée d’embûches. Elle correspond plutôt à l’esprit oriental et aux traditions bouddhistes et taoïstes. 

La méditation avec objet est sans doute plus intéressante pour les occidentaux et correspond à une conception personnaliste de la réalité humaine. Elle paraît plus concrète, plus rapide et plus «efficace» (ce concept d’efficacité peut sembler totalement étranger au contexte de la méditation; il faut cependant bien reconnaître que l’on fait de la méditation «pour quelque chose ou pour quelqu’un» et non pas «pour rien», ce qui serait prendre au pied de la lettre l’affirmation que le monde est une illusion; il faut lire à ce sujet les analyses pénétrantes –et convaincantes me semble-t-il- de Sri Aurobindo). 

3.Comment choisir un contenu ? Qu’est-ce qu’un objet ? 

Nous proposons donc de ne pas partir dans le vide et de choisir un élément, un « objet », qui permette de stabiliser le processus ;

Un objet, au sens général du terme, cela peut être un mot, une phrase, une formule que l’on se répète, un objet symbolique que l’on visualise (par exemple, méditer sur une pierre, une fleur, un animal) ou d’autres types de méditation tels que l’on peut les proposer en sophrologie. Un objet classique de concentration, au début de la méditation, est la concentration sur une flamme de bougie. 

Tout cela permet au sujet de rester centré sur un objet particulier. Cela peut paraître équivalent de la visualisation simple mais il s’agit d’une forme de visualisation dans un cadre méditatif, c’est-à-dire plus intériorisé, plus proche du processus même qui est à l’œuvre dans la visualisation. 

L’objet ne peut être dissocié du sensqu’on lui donne ni du butque l’on recherche quand on médite; le choix de l’objet n’est pas anodin. Méditer sur « une vache » n’a pas le même sens que de méditer sur « une pierre précieuse » ou sur «un symbole » ou sur « un être humain » ou sur « un concept philosophique ou religieux ».

4.Quelques dangerset difficultés.
Nous retenons quelques dangers recensés par Rosemary PAYNE (2000) 

« L’imagerie mentale et la visualisation ne sont pas indiquées pour les personnes souffrant de troubles mentaux sévères. L’imagerie est particulièrement contre-indiquée pour les personnes qui ont des difficultés à séparer l’imaginaire de la réalité et pour ceux qui présentent des hallucinations. » 

Soulignons qu’il faut être prudent et compétent pour travailler avec des psychotiques et qu’il ne faut surtout pas le faire en phase de psychose aiguë.

« Le but de l’exercice n’est pas de créer une transe hypnotique… certaines personnes y sont plus sensibles que d’autres… Quand une personne est en transe hypnotique, la force de suggestion est augmentée. L’instructeur doit donc être conscient du phénomène de suggestion post-hypnotique.

Toute suggestion qui pourrait être appliquée incorrectement hors de la session de relaxation doit être évitée. D’une manière générale, cependant, les suggestions post-hypnotiques ne sont pas un problème vu que les individus tendent à résister à toute exhortation qui irait contre leurs buts personnels et leurs principes moraux. (Lynn & Rhue 1977) »…

« LARKIN (1988) donne des conseils intéressants pour le professionnel…., il peut terminer la session par une affirmation d’annulation telle que: “avant de terminer votre visualisation, annulez toute suggestion que vous ne voudriez pas mettre en pratique quand vous serez éveillé.” »

C’est tout le problème de différencier les états de conscience ; Il n’est pas facile, surtout à un observateur extérieur (un instructeur, un professeur), de voir la différence entre la visualisation (imagerie mentale), l’hypnose, la méditation et la simple relaxation. L’éthique et la déontologie font qu’un professionnel compétent ne dépassera pas ses limites et n’induira pas de suggestion inappropriée.

Dans le cas de certaines visualisations au cours de la méditation, il y a danger d’illusion; le fait de visualiser certains « objets » peut engendrer des expériences d’activation de la sphère physique et/ou psychique, parfois très attirantes (comme les sirènes d’Ulysse), de l’ordre de l’excitation sexuelle ou de l’ordre du pouvoir et de la toute puissance. D’où ce danger reconnu de la méditation dans certaines sectes, danger qui a malheureusement jeté le discrédit sur beaucoup de pratiques de méditation.

« Bien que l’idée centrale de la méditation soit de garder l’esprit (mind) concentré et éveillé, il arrive parfois que la personne perde le sens de qui elle est et où elle est, ou ressente l’impression d’être «hors de son corps». Ce sont des états de type «transe» (hypnotique) avec désorientation et dépersonnalisation. Dans ce cas, une stratégie de «grounding» (enracinement)…peut servir de remède. L’instructeur peut empêcher l’apparition de désorientation et dépersonnalisation en rappelant constamment aux participants de rester attentifs à leurs sensations corporelles (Fontana,1991)…

Il est possible qu’une personne fasse l’expérience d’états euphoriques durant lesquels elle peut croire avoir fait une découverte spirituelle importante. Fontana (1992) propose une approche prudente de toute interprétation d’un matériel issu du “moi intérieur” (Inner self). » (R. PAYNE,2000)

A nouveau, le danger de dissociation et de provoquer des états psychotiques doit être noté. Le danger d’inflation (sentiment de toute puissance) est réel. Les gourous (au sens négatif du terme) parviennent ainsi à provoquer des sentiments très forts qui renforcent les croyances sectaires. 

« La méditation crée un état modifié de conscience… Il est…recommandé, pour débuter, de pratiquer de courtes sessions … de 5 minutes. Avec l’expérience, ce temps peut être augmenté…(15 à 20 minutes).. trop méditer peut faire courir le risque de se détacher de la vie quotidienne. Benson(1976) affirme qu’aucun des participants aux recherches qu’il a publiées n’a montré d’effets pathologiques après avoir médité 20 minutes deux fois par jour…

Bricklin (1990) a montré que le flux sanguin cérébral augmentait de manière importante durant la méditation, jusqu’à atteindre une moyenne de 65% plus élevée que la normale. Il ne serait donc pas approprié de pratiquer la méditation à un moment où le système cardiovasculaire est sollicité ailleurs…» (=digestion)…(R. PAYNE,2000)

Les conditions physiologiques de la méditation doivent être connues et respectées par les débutants. La question de la longueur des méditations ne peut être facilement tranchée ; c’est un peu semblable aux états d’hypnose qui peuvent être légers ou profonds et durer peu ou beaucoup de temps. Pour l’apprentissage, de courtes périodes sont mieux acceptées mais les habitués aiment en général pratiquer des méditations qui durent entre 30 et 60 minutes. Inutile de se comparer au Dalaï Lama qui fait environ 5 heures de méditation par jour ; il avoue d’ailleurs lui-même ne pas toujours se trouver en « état de méditation » durant ces 5 heures !   

« Ceux qui espèrent que la méditation soit un remède aux difficultés de la vie pourraient être déçus. La méditation devrait être envisagée comme une manière de vivre et non comme une panacée… » (R. PAYNE,2000)

C’est une évidence qu’il est bon de répéter. Dans un cadre thérapeutique et pratiquée avec des personnes compétentes, la méditation peut amener les mêmes résultats que l’hypnose car elle est un état modifié de conscience similaire. Le processus sera souvent beaucoup plus lent mais aussi plus durable car la méditation cherche à établir une conscience de plus en plus vaste et lucide alors que l’hypnose travaille principalement avec le dynamisme de nos processus inconscients.

En guise de conclusion, nous posons la question du sensen méditation.

La méditation, dans quel sens ?

Il y a une relation fondamentale de la méditation avec « la vie et la Vie » : 

  • D’un côté (le côté face pourrait-on dire), « vie » suppose le caractère naturelet évident de ce que nous vivons, c’est-à-dire le monde extérieur objectif et tout ce que l’on peut décrire d’une manière littérale, sans faire appel à des explications et justifications plus théoriques. Dans ce sens, tout phénomène, par le fait même qu’il est nommé ou qu’il est désigné, fait partie de la vie. Le rêve, les émotions, le monde terrestre et le cosmos tel que nous l’observons ; les êtres vivants, le monde familial, social, la vie du couple, le monde du travail, le sport, le monde scolaire dans le sens de l’apprentissage, tout cela fait partie de l’évidence de la vie. Il s’agit de la vie au sens où elle est ressentie comme ayant intrinsèquement un sens et qu’il suffit de vivre pour en être satisfait. De ce côté (face), ce qui nous apparaît, ce qui nous arrive est « normal », « naturel », il n’est pas nécessaire de se poser des questions sur le bien fondé de la réalité vécue. Avec ce point de vue, même les choses étranges, bizarres ou mystérieuses font partie de la vie et acceptées comme telles sans remise en question. 
  • De l’autre côté (le côté pile si l’on veut, le côté caché), nous nous interrogeons sur la « Vie », c’est-à-dire sur le sens profond qui sous-tend l’existence de l’homme et de l’univers. C’est là qu’interviennent les mots « théorie », « philosophie », « re-présentation », « abstraction », ce qui nous permet de relier nos expériences dans un tout cohérent. Personne ne voit apparaître la loi de la gravitation universelle quand une pomme tombe d’un arbre (sauf peut-être Newton), mais cela nous rassure de l’apprendre et de savoir que nos pieds sont solidement ancrés sur la terre. Les lois et les valeurs que nous attribuons au réel n’apparaissent pas en tant que telles mais elles sous-tendent et expriment le sens caché de la vie.

La méditation nous donne accès au sens dans tous les sens de ce terme (s’il est possible de s’exprimer ainsi). 

En effet, la méditation est à la fois une expérience sensorielle, un sentiment, une quête de sens et une orientation, une direction, un sens particulier (une méthode) : richesse du mot sensqui signifie à la fois un ancrage corporel (aspect physique du mot), une orientation, et une ouverture à la signification qui nous donne un sentiment de bonheur réel en disant « la vie vaut la peine d’être vécue ». 

Par la méditation, nous apprenons à intégrer le côté pile et le côté face sans les ressentir comme opposés.

Nous trouvons donc dans la méditation un vécu paradoxal où les deux aspects (ce que nous appelons « la vie et la Vie ») sont indissolublement liés. Le paradoxe est une des caractéristiques fondamentales de la méditation ; tout en étant apparemment «absent(e)» au monde, le ou la méditant(e) cherche une présenceplus profonde et fondamentale au monde.

BIBLIOGRAPHIE (2003, non modifiée)

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AUROBINDO Shrî – 1951 Le guide du Yoga(traduction française)
Ed Albin Michel, Coll. « spiritualités vivantes », Paris, 1970

BODIAN Stéphan (2002) (1999) Zen ! La Méditation pour les nuls
(T.O. Meditation for dummies, trad Nadège Verrier, IDG Books), Ed. Générales First, Paris, 341p. 

BOON H. (Dr) – DAVROU Y. (Dr) – MACQUET JC. (1976) – La sophrologie, une révolution en psychologie, pédagogie, médecine ? Retz, Paris, France, 255 pages

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CARTER Rita – 1999 Atlas du cerveau
Editions Autrement, Paris, France, 224 pages

DAVY Marie-Magdeleine (1966) La connaissance de soi
PUF, Paris, France, 122 pages

DAVY Marie-Magdeleine (1985) Le désert intérieur
Albin Michel, France, 226 pages (page 79) :

Le Soi peut se déployer à l’infini. Plotin a parlé de cette démarche progressive incluant la contemplation de la Nature et la contemplation du« Monde intelligible ». En fait, le voyage entrepris par Plotin aboutit à la découverte de sa propre dimension, de sa beauté. L’homme intériorisé se prépare à la contemplation à la façon de l’oeil en attente d’un lever de soleil(En. V, 5, (32) 8.3-5). Soudain« l’âme voit » que rien ne le sépare de Dieu… « ils ne sont plus deux, mais les deux ne font qu’un ».

DEL VASTO Lanza (1962) Approches de la vie intérieure
Editions Denoël, Paris, France, 332 pages (page 328) : « Cette fin, c’est la conversion de l’intelligence, des sens, de l’imagination, leur renversement vers l’intérieur, pour les faire pénétrer dans l’inexplicable, invisible, essentielle unité vivante qu’est le vrai moi.

Le vrai moi est un point. Cible qu’on vise les yeux fermés. Le moi est un point, mais ce point est un moyeu. Le moindre changement en lui produit des trajets immenses à la périphérie de la roue.

Le moi est un point, mais ce point est une graine. Il y a plus de puissance dans la graine où tout est ramassé en un, que dans le chêne déployé et durci. Tout le chêne était déjà dans le gland. »

de SMEDT Marc (1983), -Techniques de méditation et pratiques d’éveil
Editions Albin Michel, Paris, France, 284 pages (page 29) :
«… l’idée même de méditation qui avant tout est :
-une posture juste
-une respiration profonde
-l’attention à l’instant et au corps
-la purification du mental
-l’être au monde» 

DÜRCKHEIMKarlfried G. (1976) – Méditer pourquoi et comment 
Le Courrier du Livre, Paris, France, 181 pages

ECCLES John C. – 1994 Comment la conscience contrôle le cerveau
T.O. : « How the Self Controls Its Brain« 
Librairie Fayard, France, 255 pages

EPSTEIN Mark(1995) – Pensées sans penseur Une psychothérapie dans une perspective bouddhique(traduit de l’anglais par Pierre Goubert, T.O. : « Thoughts without a Thinker« ), Exercices de Vie, Editions Calmann-Lévy, 286p.

EY Henri (1983) La conscience
Desclée De Brouwer, France, 500 pages

FEUGA Pierre – 1992 L’art de la concentration
Albin Michel, Paris, France, 120 pages

FONTANA David (1995) Le livre de la méditation
(T.O. : « The Meditator »s Hanbook)
Pocket, Paris, France, 349 pages (page 50-51) :

« 1.La méditation peut donner l’impression de posséder un pouvoir personnel et une forme de supériorité. Celle-ci est inutile mais peut de surcroît entrer en conflit avec l’impression plus « objective » du méditant qui ne réussit pas si bien que cela dans la vie de tous les jours. Une autre alternative est que la première peut masquer la seconde à tel point qu’elle empêche le méditant de la regarder en face et de la gérer de façon réaliste.

2.L’état de relatif optimisme et de bien-être rapporté par nombre de méditants peut créer une euphorie illusoire qui entrave en fait toute tentative d’identifier et de réduire les problèmes psychologiques.

3.La méditation peut conduire à une certaine réduction de l’allure avec laquelle on prend les choses en mains et on tient les rênes de la vie. Cette sorte d’allégement peut très bien-être inadéquat à la vie que l’individu doit effectivement mener. Il s’ensuit qu’il peut devenir moinsefficace dans sa carrière comme dans sa vie domestique que par le passé.

4.Pour certaines personnes, cette impression de soulagement et de bien-être qui s’installe avec la méditation peut se transformer dans la conviction que l’on est devenu paresseux et légèrement sybarite ou que l’on perd son temps au lieu de se colleter avec la réalité.

5. Entrer en méditation avec dans la tête des espoirs utopiques et trop élevés risque de conduire à la désillusion quand ce n’est pas à l’aversion pour toute activité tendant à scruter le monde intérieur. »

FRIEDMAN – Ph. L’ARABE – 1985 –
 Encyclopaedia Universalis, Paris, France

GREGORY Richard L. – 1993 – Le cerveau, un inconnu 
(T.O. : « The Oxford Companion to the Mind« , 1987)
Editions Robert Laffont, Paris, France, 1445 pages
Grand Dictionnaire Encyclopédique Larousse
Tome 10, Librairie Larousse, Paris, France, 1984

HARDY Christine (1991)
La connaissance de l’invisible
Philippe Lebaud, France, 253 pages 

« Il y a de nombreuses formes de méditation en Orient, mais toutes impliquent l’idée d’une pratique dirigée vers un but, le but ultime de la méditation étant la réalisation du Soi global et la fusion avec la Conscience cosmique. Or, on ne peut passer sous silence ni le fait que la méditation soit un ensemble de techniques, ni son but intrinsèquement spirituel, sans en oblitérer le sens. » (page 81)

« Si la méditation n’était que la pratique d’une technique, répétée indéfiniment jusqu’à l’éclosion brusque de la réalisation, nul disciple n’aurait besoin d’un maître. Or, dans cette démarche de connaissance, partout en Orient, on tient pour absolument nécessaire la présence d’un maître ou d’un initié, à certains passages clefs de cette voie. Une méditation qui n’est pas conçue comme un processus est donc une contradiction dans les termes. A ce niveau, on peut parler d’une technique particulière, mais pas de « méditation » à proprement parler. Une définition correcte serait que la méditation est la mise en oeuvre, par certaines techniques d’intériorisation, d’un processus d’éveil visant à atteindre ultimement la réalisation du Soi et la fusion avec la Conscience cosmique. 

Le but, bien qu’on le nomme de différentes façons, est le même dans tout l’Orient : réalisation de l’Esprit (le pur Esprit ou purusha, en opposition à la matière prakriti), libération ultime (moksha), fusion avec la conscience cosmique (nirvâna), état d’éveil intégral du Soi (satori), illumination (samadhi), union avec le Tao (la pilule d’immortalité, ou la fleur d’or), etc.

…. Le sens étymologique de yoga est « le joug » (en sanscrit) d’où l’idée de mettre sous le joug l’ascèse; mais, par extension, il signifie le lien, l’union, l’union ultime avec la Conscience cosmique.

…. Tout état de conscience méditatif est vivant, non pas mouvementé, mais animé (empli d’âme), lumineux et énergétique. »  (page 82)

a) La voie de la concentration  Cette voie utilise au début la contemplation d’un objet. La première technique consiste à lutter contre toute source de distraction jusqu’à ce que le courant de pensée soit focalisé uniquement sur l’objet de la méditation. A ce stade, il apparaît déjà « de forts élans d’enthousiasme et d’extase, qu’accompagnent plaisir, bonheur et équanimité« .  (page 87)

HEWITT James (1978) Meditation
Teach Yourself Books, New York, USA, 198 pages

HOAREAU J. (1992) Hypnose clinique
Masson, Paris, France, 238 pages

KretschmerWolfgang -1951  « Die meditativen Verfahren in der Psychotherapie » , 1er vol.,  n°3, mai 1951, Zeitschrift für Psychotherapie und Medizinische Psychologie

KUNZMANN Peter – BURKARD Franz-Peter – WIEDMANN Franz (1993)
Atlas de la philosophie (T.O. « dtv-Atlas zur Philosophie« ) La Pochothèque, France, 277 pages

LE SCANFF Christine (1995) La conscience modifiée
Editions Payot, Paris, France, 287 pages

Manuel MERCK – 1994 Manuel Merck de diagnostic et thérapeutique
2ème Edition, Paris, France, 2767 pages

MARIEB Elaine – 1993 Anatomie et physiologie humaines
Editions du Renouveau Pédagogique, Saint-Laurent (Canada), 1014 pages

OUAKNIN Marc-Alain (1992)
Tsimtsoum, introduction à la méditation hébraïque
Editions Albin Michel, Paris, France, 252 pages

« Il y a un « art de la lecture » qui est d’abord une pratique déconstructive dont la finalité est la mise en mouvement du langage pour permettre à l’homme de s’inscrire dans un incessant dynamisme de signification.

L' »art de la lecture » que nous proposons se résume dans la formule « lire aux éclats », c’est-à-dire éclatement de ce qui est définitif pour s’ouvrir à l’infinitif. Recherche d’un au-delà de l' »identité enfermée en soi », incapable d’aller sur les voies du futur.

L' »art de la lecture » est une méthode qui ouvre et libère. (page 12-13) 

…Le but de la méditation est de s’élever et de trouver le meilleur équilibre physique, spirituel et intellectuel : jouissance d’être. Bien-être au monde.

Même si, chez certains maîtres comme Aboulafia, le but de la méditation est l’extase ou ce qu’il nomme est l’expérience prophétique, on peut utiliser une autre formulation de ce but, celle de la santé de l’être. Comprendre la signification exacte du mot santé exprimé en hébreu permettra de mieux sentir les buts et les fonctionnements de la méditation.

En hébreu, la santé se dit Beriyout (Bèt-rèch, yod-aleph-vav-tav). L’adjectif sain est bari (bèt-rèch-yod-aleph) au masculin et beria (bèt-rèch-yod-aleph-hé) au féminin.

Il est très important de noter que ces mots sont de la même racine que Beriya, qui veut dire « création du monde », et du verbe bara, qui veut dire « créer ».

Etre en bonne santé, c’est donc, pour la pensée hébraïque, se situer dans une position de « création », de récréation incessante de soi et du monde. »    (page 124)

PATANJALI – (auteur du 3ièmesiècle avt JC)  Yoga-Sutras
Albin Michel, Paris, France,1991, 217 pages

PAYNE Rosemary A.  (2000)  Relaxation  Techniques – A practical Handbook for the Health Care Professional  –   Churchill Livingstone

                        Voir les citations dans le texte

PELLETIER Pierre – 1996
Les thérapies transpersonnelles
Editions Fides, Québec, Canada, 472 pages

PAGE 456:

MÉDITATION. Discipline visant à apaiser l’esprit, à le rendre plus attentif et plus ouvert au monde sensible et aux réalités spirituelles.

PETERSON Richard – 1990
Creative Meditation, Inner peace is practically yours
A.R.E. Virginia Beach, 250 pages

PURYEAR Herbert B. – THURSTON M. – 1987
Meditation and the Mind of Man
A.R.E. Press, Virginia Beach, USA, 130 pages

RINPOCHÉSogyal – 1992
Méditation
La Table Ronde, Paris, France, 92 pages

SARASVATI Swami Sivananda – 1950
La pratique de la méditation
Editions Albin Michel, Paris, France, 376 pages

SATPREM – 1932
Sri Aurobindo ou l’aventure de la conscience
Buchet/Chastel, Paris, France, 420 pages 

SCHNETZLER Jean-Pierre – 1994
La méditation bouddhiqueune voie de libération
Albin Michel, Paris, France, 144 pages

SCHULTZ Johannes Heinrich – 1956 “Le training autogène”(traduction de Das Autogene Training, Georges Thieme Verlag, Stuttgart,1932, 9e ed.1956),  P. U. .F, Paris, 1958, 338p.

SIMONTON Carl (Dr) – HENSON Reid et Brenda HAMPTON – 1993
L’aventure d’une guérison T.O. : « The Healing Journey« 
Editions J’ai Lu, Paris, France, 312 pages

PAGES 109-110:

« La méditation ou l’utilisation consciente de l’imagerie est essentielle pour mener à bien ces transformations. C’est l’outil de base pour intégrer consciemment de nouvelles croyances et les traduire en attitudes inconscientes. Bien que la méditation et l’imagerie soient souvent utilisées pour la relaxation et le plaisir, elles peuvent également servir à ancrer des changements concrets dans votre santé et dans votre vie. Nous commencerons par faire appel à votre imagination pour changer vos croyances à propos de votre maladie, de votre traitement et de la capacité de votre corps à se guérir.

C’est un processus simple que tout le monde peut pratiquer facilement. Souvenez-vous en effet que vous avez toujours utilisé votre imagination. »

TRUNGPA Chögyam – 1972
Méditation et actioncauseries au Centre tibétain Samyê-Ling
Librairie Fayard,  France, 171 pages

VIGNE Jacques (Dr) – 1996
Méditation et psychologie
Albin Michel, Paris, France, 311 pages 

VIREL André – 1977
Dictionnaire de Psychologie, vocabulaire des psychothérapies
Librairie Fayard, Marabout, France,  341 pages

PAGE 177:

MEDITATIVES (techniques et méthodes). Nom générique donné à des psychothérapies d’auteurs allemands utilisant l’imagerie mentale : Frederking, Happich, Kluge et Thren, E. Kretschmer, W. Kretschmer, Leuner, Mauz, Schultz, entre autres. 

Von FRANZ M.L.- 1990 PsychothérapieL’expérience du praticien. (Trad. de l’éd. Allemande)
Ed. Dervy, Paris, 2001, 340 p.

WOOD Ernest E. – 1962
La pratique du yoga (= les aphorismes de Patanjali) 

Petite Bibliothèque Payot, Paris, France, 212 pages 
– Article « méditation » dans le Thesaurus Tome 2, page 1910
Encyclopaedia Universalis, Paris, France, 1985
-Grand Dictionnaire Encyclopédique Larousse
Tome 10, Librairie Larousse, Paris, France, 198

LA MÉDITATION, OUTIL SOPHROLOGIQUE ? 2e partie

Par le Dr Philippe ANTOINE,Neuropsychiatre, Président de la Société Belge de Sophrologie et de Relaxation (SBSR), fondateur de l’Ecole de Méditation Intégrative.

Avertissement : cet article est la reproduction d’un article paru dans le cahier de la SBSR (Société Belge de Sophrologie et de Relaxation) en 2003. Il s’agit donc d’une ancienne publication dont certaines données sont périmées mais la structure de base et le fait qu’il ait déjà été publié nous oblige à le publier sans le modifier.
Pour une bibliographie plus récente, voir la rubrique « Liens » du site.

NB : Pour toute citation, il faut donc indiquer « La méditation, 1ère, 2èmeou 3èmepartie par le Docteur Philippe ANTOINE, cahier de la SBSR, 2003 » ou bien www.meditation-integrative.eu.

PSYCHOLOGIE DE LA MEDITATION

 Après avoir exposé le versant « objectif » de la méditation (effets physiologiques), nous passons au vécu plus subjectif de celles et ceux qui la pratiquent (expérience psychologique). Nous donnons ici un simple aperçu de ce que disent divers auteurs à propos de la « PSYCHOLOGIE DE LA MEDITATION »

Du monde extérieur au monde intérieur

            Nous savons que nous ne connaissons pas le monde extérieur « tel qu’il est » mais toujours à partir d’une reconstruction perceptive et d’une intégration cérébrale. Notre monde intérieur est à la fois un « réceptacle » de tout ce qui vient de l’extérieur à travers nos sens et aussi un « transformateur » qui nous permet de « recréer » le monde et de l’imaginer. C’est également dans notre monde mental ou psychique que nous formons des plans, que nos intentions surgissent et que nos motivations nous permettent de poser des actes qui changent notre propre environnement et nos relations au monde.

            Cela peut paraître évident. Cependant, notre culture occidentale « oublie » de nous apprendre que la méditation est sans doute le meilleur moyen d’arriver à cette adéquation entre le monde extérieur et le monde intérieur, entre le pôle « sujet » et le pôle « objet ». 

Bref parcours occidental de la méditation  

            Paradoxalement, les traditions orientales sont mieux connues en Occident que nos propres traditions ; c’est d’ailleurs à partir de la pratique Za-Zen, issue du bouddhisme japonais, que Caycedo a établi le troisième degré de dynamiqueméditative en sophrologie. Il est donc intéressant d’exposer brièvement certaines pratiques occidentales.

            La chrétienté a maintenu la pratique de la méditation sous diverses formes qui, le plus souvent, ont été rattachées à la prière. De nombreuses dénominations existent suivant les auteurs et les époques : oraison, contemplation, méditation, adoration,…

            L’ exemple classique est celui de l’Hésychasme, pratique développée par les chrétiens d’orient dans les premiers siècles. Il s’agit d’un enseignement initiatique chrétien dont l’aspect pratique rejoint les grandes traditions de la méditation. La pratique la plus typique est celle de la répétition inlassable du « Kyrie eleison » (« Seigneur, prends pitié »)exactement comme on répète les mantras en Inde (il s’agit d’ailleurs du même principe), dans une certaine attitude corporelle, suivant un rythme respiratoire particulier. Les pratiquants de l’Hésychasme modulent sans cesse leur chant pour atteindre un état de profonde méditation. 

            Dans un rapide survol historique, on peut remarquer que le mot méditation a pris diverses connotations au cours de siècles. 

            Les dictionnaires définissent généralement la méditation comme signifiant « tourner et retourner dans ses propres pensées, réfléchir profondément, essayer de trouver la signification des pensées ou des sentiments intérieurs, … » ; c’est un processus de concentration intérieure centrée sur les pensées, ce qu’on peut appeler un processus noétique ou de l’ordre de l’intelligible (par opposition au monde du sensible, de l’action, et de ce qui vient du cœur). Il s’agit d’un processus plutôt intellectuel, spéculatif que méditatif au sens fort. Malgré tout, ce type de pratique est une ouverture à la dimension intérieure de l’être humain.

            Voici quelques définitions classiques :

« MÉDITATION n.f. (lat. meditatio, -onis)

1.Action de réfléchir, de penser profondément à un sujet, à la réalisation de qqch; réflexion approfondie. 2.Attitude qui consiste à s’absorber dans une réflexion profonde; recueillement. 3.Titre donné à des écrits portant sur un sujet philosophique ou religieux (avec maj.).

ENCYCL. Dans les religions de l’Inde, la méditation, techniquement parlant, correspond à l’étape de dhyana, où l’homme se concentre entièrement sur un point par le moyen de son mental (manas), jusqu’à ce qu’il atteigne la dernière étape, celle du samadhi. L’équivalent du terme dhyanaest zenau Japon et chanen Chine. Dans le bouddhisme, la méditation se nomme vipassana(« regard intuitif »); elle se pratique en développant la concentration sur la respiration (anapana) et les diverses sensations du corps. » 
(In Grand Dictionnaire Encyclopédique Larousse, 1984, p. 6794)

« MÉDITATION
La méditation est une réflexion prolongée, guidée et soutenue par une méthode. Elle peut être savante ou philosophique, religieuse ou profane, d’expression littéraire ou spontanée. Elle porte sur n’importe quel objet de pensée, pourvu que l’esprit s’y applique avec soin, avec constance; il y faut un effort psychologique (recueillement) et un effort logique d’ordre et d’analyse (ce qui la distingue de l’association libre ou de la rêverie).

Si l’on veut mesurer l’écart qui subsiste entre une méditation où prédominent représentations distinctes, discours intérieur, réflexion articulée, et une méditation de repli silencieux, de paix unificatrice, d’indivision des facultés, il suffit de penser soit à l’hésychasmede l’ascèse orthodoxe, qui exténue l’émoi de conscience par la dépossession du coeur, soit au dhyânabouddhique ou hindou, qui supprime toute adhérence, qu’elle soit de désir, d’intellection, de satisfaction, et qui parvient au détachement total (même dans un corps toujours conscient de ses attaches), soit enfin aux techniques du yoga : le contrôle du souffle et la concentration intime aboutissent au vide mental, aux surperceptions, à l’intuition de l’un, ou, plus simplement, à l’exonération de toutes les tendances, même dans le besoin apparent; l’état d’identification (samâdhi) laisse agir le corps en automate, tandis que l’esprit est ailleurs, absorbé et ramassé en un point fixe.

C’est cependant par fausse équivalence que les Occidentaux assimilent à la méditation les exercices d’éradication de soi que l’Orient prescrit à l’individualité psychosomatique (dont les limitations sont illusoires, illusionnantes). Bien que le latin meditor(également le grec meletaô) puisse désigner n’importe quel entraînement, n’importe quelle application, l’activité méditante implique dans les traditions d’Occident un élément de rationalité, une mise en forme de la pensée, qui peut être éventuellement une étape vers la contemplation pure (sans repères, ni sensible, ni intellectuel) ou vers l’extase mystique, mais qui ne peut se confondre avec aucun procédé de dé-liaison, d’indifférenciation, d’effacement des divers registres de l’affectivité et de la réflexion conscientes. »
(Thesaurus de l’Encyclopaedia Universalis, 1985, tome 2, p. 1910)

La phénoménologie

            Au début du XXème siècle et sans confrontation directe avec l’Orient, la phénoménologie marque une étape importante dans l’évolution de la pensée philosophique occidentale. Edmund HUSSERL, « père » de la phénoménologie au même moment où FREUD devenait le « père » de la psychanalyse, fait directement référence au mot « méditation ». La « suspension -ou abstention- du jugement » (épochè) est un processus typiquement méditatif. Le retour aux choses elles-mêmes (réduction phénoménologique) nous permet d’arriver à « l’essence » de la chose. 

Les pratiques classiques de méditation suivent exactement le même processus, à la différence près, et elle est énorme, qu’il est nécessaire de définir un cadre psychique (processus mental) et un cadre physique (pratiques corporelles) dans le cas des méditations classiques traditionnelles (c’est fondamental pour le processus d’unification qui est à la base de la méditation). 

De toute façon, la pratique de la phénoménologie nécessite également une certaine ascèse. On peut donc penser que les véritables pratiquants de la phénoménologie, qui en font une philosophie pratique, font de la méditation au même titre que certains orientaux.

            En Occident, le courant alchimique, remis à l’honneur en psychologie par C.G. JUNG, a maintenu la pratique de la méditation ; la formule bien connue « ora et labora » signifie que l’oratoire était toujours à côté du laboratoire; avant de passer à la pratique concrète et matérielle, l’alchimiste devait d’abord se recueillir et prier (ora) ou méditer (puisque, en Occident, le mot prière recouvre également la pratique de la méditation). Et cette pratique était considérée comme très importante pour les alchimistes. Il fallait à la fois le recueillement intérieur et la pratique extérieure.

PSYCHOLOGIE OCCIDENTALE ET MEDITATION 

            Quelques grands représentants de la psychologie au XXème siècle ont proposé des pratiques basées sur la méditation.

            Voici ce qu’en dit André VIREL (1977,..) dans son « Dictionnaire de Psychologie (p.177) » : « MEDITATIVES (techniques et méthodes). Nom générique donné à des psychothérapies d’auteurs allemands utilisant l’imagerie mentale : Frederking, Happich, Kluge et Thren, E. Kretschmer, W. Kretschmer, Leuner, Mauz, Schultz, entre autres. » 

            On trouve un bon résumé de certaines de ces méthodes dans les livres de Roberto ASSAGIOLI et de Marie-Louise von FRANZ qui tous deux font référence au même article du Professeur Wolfgang Kretschmer (de la Clinique Psychiatrique de l’Université de Tübingen) : « Die meditativen Verfahren in der Psychotherapie » (1951).

            W. KRETSCHMER considère que le premier psychiatre occidental qui parle de la pratique de la méditation est Johannes Heinrich SCHULTZ (1884-1970), inventeur du Training Autogène, méthode intégrée plus tard en sophrologie par CAYCEDO.

            Nous reprenons ici ce que dit R. ASSAGIOLI :

            « Le psychothérapeute qui veut employer des techniques de méditation doit d’abord être capable de méditer lui-même.« 

commentaire: cela paraît évident. De même que le psychanalyste doit avoir fait lui-même une psychanalyse, c’est également une règle générale pour la méditation comme pour la relaxation ; si les thérapeutes eux-mêmes ne font pas de relaxation ni de méditation et qu’ils/elles les proposent à leurs patients, cela n’a pas vraiment de sens.

            Retenons que SCHULTZ a employé le mot « méditation » dans le Training Autogène et que les stades qu’il propose de franchir sont basés sur la pratique de la relaxation simple dans un premier temps et ensuite d’arriver à ce qu’il appelle la méditation.

            « … Dans ces stades, après qu’un degré suffisant de relaxation physique générale a été atteint, le sujet est habilement amené à des fantaisies symboliques. Ensuite on visualise des couleurs et des objets. On cherche à avoir l’expérience de représentations symboliques d’idées qui sont comprises habituellement dans l’abstrait, de ses propres sentiments, et finalement des problèmes moraux les plus élevés, de façon à amener les tendances inconscientes à se manifester de façon visible par le symbole. Les rêves sont semblables à la méditation, sauf qu’avec la méditation on dispose, pour évoquer la réaction de l’inconscient, d’une technique systématique avec laquelle on obtient des résultats plus rapides que lorsque l’on est obligé d’attendre que les rêves se présentent« .

            Et SCHULTZ en arrive à la question : « Quel est le but de la méditation ? » : il s’agit de  « la formulation de « valeurs existentielles fondamentales ». Cela signifie que celui qui médite doit s’efforcer d’atteindre une conception de la vie orientée vers la réalisation de soi, la liberté et l’harmonie psychologiques et vers la créativité.« 

            Ensuite, R. ASSAGIOLI reprend d’autres auteurs, en particulier Carl HAPPICH :

            « La technique de méditation développée par Carl Happich, Professeur à la Clinique de Darmstadt, est plus systématique et d’une plus vaste portée humaine. Elle commence par la physiologie et aboutit au domaine religieux.« … 

            « Comment procéder pratiquement ? Une fois atteinte la relaxation selon la méthode de Schultz, ou par d’autres méthodes plus directes, Happich attribuait une valeur spéciale à la respiration, en tant que mesure de l’état affectif qui change avec l’attitude « permissive » de la méditation. Il encourageait, aussi bien avant que pendant la séance thérapeutique, une passivité croissante de la respiration. La plupart des sujets peuvent atteindre cet état seulement par des exercices progressifs de respiration.

            Après avoir acquis une certaine expérience des réactions physiologiques aux exercices de respiration, on peut tenter le premier exercice psychologique, appelé la « Méditation de la prairie ». Le sujet doit répéter à la première personne les mots de celui qui dirige la méditation et imaginer qu’il quitte la pièce, s’en va à travers la ville jusqu’à la campagne et arrive à une prairie bien verte et couverte de fleurs, et qu’il la regarde avec plaisir. Ensuite où il se trouve physiquement et rapporte ce qu’il a éprouvé.« 

            Après ce type de méditation, Carl HAPPICH propose la « Méditation de la Montagne » et ensuite la « Méditation de la Chapelle« . Ces trois symboles, la prairie, la montagne et la chapelle ont bien sûr une signification archétypique. 

            « Que son système de méditation fut basé sur des sains principes psychologiques, est un fait confirmé par les résultats de l’école de Jung. On a rapporté des rêves où une montagne se dresse dans un paysage et au sommet de la montagne se trouve un temple. De telles images symboliques ont été considérées comme un indice de la fin du processus d' »individuation », comme un symbole de la réalisation de la « spiritualité. Mais dans la méditation on n’a pas à attendre que les symboles nécessaires soient produits spontanément, comme pour l’analyse des rêves« .

            commentaire: nous pouvons être d’accord avec R. ASSAGIOLI pour dire que la méditation est un processus plus actif que le rêve et qu’elle permet un travail plus profond. Il ne faut évidemment pas généraliser mais on peut remarquer que, dans la méditation, le sujet travaille sur lui-même par lui-même ; il existe dans le rêve un côté plus « aléatoire » ; on dit que le sujet « est rêvé » plus qu’il ne rêve et tout dépend alors de l’importance que l’on accorde au « message » de l’inconscient. Nous pouvons  penser qu’il existe des rêves très chargés de signification et d’autres relativement banaux.

            « Le stade supérieur de la méditation selon Happich est celui de la « méditation sur le dessin » ou Mandala (d’après un mot sanscrit, très utilisé par Jung, désignant un dessin abstrait ayant un centre., employé particulièrement dans le Bouddhisme Thibétain comme sujet de méditation) »… 

            « Une forme de méditation encore plus abstraite est la « Méditation sur la Parole » dans le but de déceler l’importance humaine centrale d’un mot ou d’une maxime. La méditation sur les dessins et sur les paroles est de la plus grande importance pour le développement du sens religieux.

            Happich applique le sain principe de l’égalité de l’activité rationnelle et irrationnelle pendant le cours de la méditation.

            D’autre part, on ne devrait pas méditer sur des symboles ou des dessins qui stimulent des émotions négatives dangereuses…. »

            Dans son livre « Psychothérapie », Marie-Louise von FRANZ met directement en parallèle l’imagination activede C.G. JUNG et les techniques de méditation.

            Bien que l’imagination active ne se définisse pas comme une méditation, Marie-Louise von FRANZ est désolée que certains auteurs comme SCHULTZ, HAPPICH et autres,  parlent de méditation en se fondant, en partie, sur les travaux de C.G. JUNG sans le citer. Voici ce qu’elle dit :

            « …On s’étonne de voir que le Dr Wolfgang Kretschmer, dans son article « Les procédés méditatifs en psychothérapie » (« Die meditativen Verfahren in der Psychotherapie », dans Zeitschrift für Psychotherapie und medizinische Psychologie, vol. I., n°3, mai 1951), offre une description fouillée des différentes techniques de Schultz-Henke*, Carl Happich, René Desoilles et Friedrich Mauz, entre autres, mais qu’il omet ne fut-ce que de mentionner l’imagination active de C.G. Jung, développée et publiée avant l’ensemble des techniques présentées dans l’article; or, celle-ci a, sans conteste, marqué les psychologies citées et influencé leurs techniques« .

*N.B.M.-L. von FRANZ confond ici elle-même J.H. SHULTZ, inventeur du Training Autogène avec HaraldSCHULTZ-HENCKE,(18.8.1892Berlin-23.5.1953Berlin), psychiatre et psychanalyste allemand contemporain. De plus, J.H. SCHULTZ dit ceci lui-même « Le cycle supérieur de notre méthode entretient des relations étroites et directes avec les méthodes de C.G. JUNG » (p.181 de la trad. Franç. du Training Autogène) !

Ensuite, Marie-Louise von FRANZ expose comment se pratique l’imagination active : 

             » Premièrement, il est nécessaire de retrouver la vacuité de notre conscience du moi, c’est-à-dire qu’il faut se débarrasser du flux ininterrompu de pensées qui s’écoule en nous. »  
Commentaire: ce que dit ici Marie-Louise von FRANZ correspond exactementà ce que la plupart des auteurs considèrent comme le premier stade de la méditation. C’est également le début de la méditation pour Sri AUROBINDO (voir plus loin).

            « Deuxièmement, il faut laisser les fantasmes émergés de l’inconscient pénétrer dans le champ de la perception intérieure. Contrairement aux techniques orientales mentionnées, nous accueillons ces images, au lieu de les chasser ou de les ignorer. Nous dirigeons, au contraire, notre concentration sur elles. » …

            « Troisièmement : cette phase consiste à donner une forme au fantasme perçu intérieurement en écrivant, peignant, sculptant, composant ou en dansant (y compris la notation de la « chorégraphie » des mouvements) l’expérience qu’on vient de faire. La danse permet au corps de participer, ce qui est indispensable, en particulier dans les cas où certaines émotions et la fonction inférieure sont inconscientes au point de demeurer comme ensevelies dans le corps. Il est souvent utile d’inventer un petit rituel comme, par exemple, allumer une chandelle ou marcher en cercle, etc. Cela favorise l’entrée de la matière inorganique dans la ronde. Jung me dit un jour que ces gestes rituels étaient encore plus agissants que l’imagination active habituelle en ajoutant qu’il n’était pas en mesure de m’en donner une explication« …

            « La quatrième est la phase décisive, celle aussi qui est absente dans la plupart des techniques imaginatives, puisqu’il s’agit de la confrontation éthique ou morale avec ce qui a été produit. …Jung a remarqué à l’occasion que la psychiatrie a découvert ce procédé de méditation jusqu’à la troisième phase, mais qu’à ce jour le quatrième stade n’est pas encore compris, la plupart des techniques imaginatives s’arrêtant avant ce seuil« .

            A noter que dans cette pratique d’imagination active, C.G.JUNG s’oppose à ce que disait précédemment C. HAPPICH, à savoir qu’il ne faut pas méditer sur des contenus mentaux négatifs. Cela fait aussi partie de l’enseignement classique en méditation, de ne  pas choisir un symbole considéré comme dangereux ou négatif.

TRADITION ORIENTALE ET MEDITATION 

            Au lieu de refaire ici un exposé concernant les différentes pratiques traditionnelles orientales dont les plus répandues en occident sont les méditations tibétaines, Vipassana et za-zen,  nous prendrons comme exemple Sri AUROBINDO, peut-être moins connu, mais représentatif d’une possible articulation et d’une synthèse entre l’orient et l’occident, de même qu’il a écrit une « Synthèse des Yogas ».

Voici comment Aurobindo raconte son expérience primordiale de la méditation :
« J’ai une grande dette envers Lélé pour m’avoir montré ce mécanisme : «Asseyez-vous en méditation,me dit-il, mais ne pensez pas, regardez seulement votre mental; vous verrez les pensées entrer dedans. Avant qu’elles ne puissent entrer, rejetez-lez, et continuez jusqu’à ce que votre mental soit capable de silence complet. »

Je n’avais jamais entendu dire avant, que les pensées puisent venir visiblement du dehors dans le mental, mais je ne songeai pas à mettre en doute cette vérité ou cette possibilité; simplement, je m’assis et fis comme il m’était dit. En un instant, mon mental devint silencieux comme l’air sans un souffle au sommet d’une haute montagne, puis je vis une, deux pensées venir d’une façon tout à fait concrète, du dehors. Je les rejetai avant qu’elles ne puissent entrer et s’imposer à mon cerveau. En trois jours, j’étais libre. A partir de ce moment, l’être mental en moi devint une Intelligence libre, un Mental Universel. Ce n’était plus un être limité au cercle étroit des pensées personnelles, comme un ouvrier dans une usine de pensées, mais un récepteur de connaissance qui recevait des cents royaumes de l’être, libre de choisir ce qu’il voulait dans ce vaste empire de vision et ce vaste empire de pensée.« 
( cité par SATPREM dans « Sri Aurobindo ou l’aventure de la conscience », 1962, p. 56) 

Les premières lignes de ce texte, mises en évidence, peuvent constituer le point de départ de toute méditation simple mais la simplicité de cette pratique n’est qu’apparente ; à partir de ce « silence mental » qui forme la première étape de son Yoga, AUROBINDO découvre alors de multiples plans de conscience dans une perspective évolutive très intéressante.

Docteur PhilippeANTOINE, Neuropsychiatre, Président de la SBSR.

LA MÉDITATION, OUTIL SOPHROLOGIQUE? 1ere partie

Par le Dr Philippe ANTOINE,Neuropsychiatre, Président de la Société Belge de Sophrologie et de Relaxation (SBSR), fondateur de l’Ecole de Méditation Intégrative.

Avertissement : cet article est la reproduction d’un article paru dans le cahier de la SBSR (Société Belge de Sophrologie et de Relaxation) en 2003. Il s’agit donc d’une ancienne publication dont certaines données sont périmées mais la structure de base et le fait qu’il ait déjà été publié nous oblige à le publier sans le modifier.
Pour une bibliographie plus récente, voir la rubrique « Liens » du site.

NB : Pour toute citation, il faut donc indiquer « La méditation, 1ère, 2èmeou 3èmepartie par le Docteur Philippe ANTOINE, cahier de la SBSR, 2003 » ou bien www.meditation-integrative.eu.

INTRODUCTION

            La méditation est  intégrée dans l’apprentissage et  la pratique de la sophrologie mais on trouve peu de textes spécifiques et détaillés sur ce sujet dans les livres classiques. Par contre, la méditation fait actuellement l’objet de nombreuses publications ; plusieurs livres documentés existent dans des domaines aussi variés que la philosophie, la spiritualité, la psychologie, la santé et  la médecine.

            La plupart du temps, quand on parle de méditation en Occident, on pense à des pratiques d’origine orientale ou d’Extrême-Orient ; c’est à partir des systèmes de pensée et des pratiques orientales (yoga, zen ou méditation tibétaine) que la plupart des personnes intéressées découvrent la méditation.

            Ce type de pratique a toujours existé ; toutes les traditions et toutes les cultures en attestent. Bien sûr, les formes diffèrent : il existe une large gamme de pratiques qui s’étalent de l’expérience du vide et de la vacuité jusqu’aux visualisations les plus complexes. Les préparations et pratiques physiques sont également très importantes.

Il ne s’agit pas d’une théorie intellectuelle ou d’une connaissance spéculative mais bien d’un savoir qui est intimement lié à un savoir-faire. 

            Comme pour toute technique psycho-corporelle, la pratique régulière est indispensable pour découvrir ce que peut signifier la méditation. La règle principale en ce domaine est celle du proverbe anglais :

« The proof of the pudding is in the eating » 

DEFINITION ET INDEFINITION DE LA MEDITATION

(« On a la preuve du pudding quand on le mange« ).

Pouvons-nous essayer de définir ce qu’est la méditation ?

           Envisageons tout d’abord des notions plus générales.

Le mot CONSCIENCE renvoie inévitablement à la question du Sujet et à tout ce que cela implique : une représentation du monde, un système de croyances, une capacité de percevoir, d’agir et d’intégrer des expériences; ce que nous appelons, en Occident, une anthropologie fondamentale. 

Et nous savons, dès le départ, qu’il existe différents courants et différentes écoles d’anthropologie, qui tiennent parfois des discours contradictoires.

Nous pouvons d’abord faire référence à Henry EY : « Etre conscient, c’est vivrela particularité de sa propre expérience en la transposant dans l’universalité de son savoir.

C’est dire que la conscience ne peut être décrite que comme une structure complexe, celle de l’organisation même de la vie de relation qui lie le sujet aux autres et à son monde.
Immanence et transcendance, données immédiates et réflexion, telles sont les antinomies entre lesquelles se constitue la conscience. Cet entrelacement du vécu et du jugement (Husserl) est bien la réalité de l’être conscient.
La définition de la conscience renvoie au problème de cette réalité et, plus généralement même, à celui de la réalité. Elle oscille entre deux thèses : celle qui lui attribue un être de chose qu’elle n’est pas – celle qui la tient pour un néant qu’elle n’est pas non plus. »  (In Henri EY, la Conscience, 1983, p. 1)

Ce texte d’Henri EYnous fait penser à la définition du Brahman comme SAT-CHIT-ANANDA (EXISTENCE – CONSCIENCE – BEATITUDE), ce qui lie la question de la conscience à l’existence elle-même et à la joie (béatitude) de vivre qui en découle pour le Brahman.

Suivant que l’auteur est psychologue, philosophe ou médecin, spiritualiste ou non, les approches et les définitions diffèrent :

«   CONSCIENCE
C’est l’élément le plus évident et le plus mystérieux de nos esprits. D’un côté, rien ne peut être plus certain et manifeste à chaque être humain qu’il ou elle est le sujet d’une expérience vécue, et goûte des perceptions et des sensations, qu’il ou elle est atteint(e) par la souffrance, élabore des idées, et délibère consciemment. D’un autre côté, que peut être la conscience dans ce monde ? Comment les corps physiques du monde physique peuvent-ils receler un tel phénomène ?(article de Daniel C. DENNETT, philosophe) » (In Richard GREGORY, le cerveau un inconnu,1993, p. 250)

*

 » La conscience peut être définie par l’ensemble des activités cognitives qui nous permettent d’attribuer une signification et de répondre de façon appropriée aux stimulations sensitives et sensorielles, et notamment aux plus complexes d’entre elles, les stimulations verbales. Ainsi définie, la conscience est une fonction du cortex cérébral. »(In CAMBIER et al., Neurologie, 1998, p. 125)

Nous pouvons maintenant envisager quelques définitions de la MÉDITATIONelle-même :
 » Il y a de nombreuses formes de méditation en Orient, mais toutes impliquent l’idée d’une pratique dirigée vers un but – le but ultime de la méditation étant la réalisation du Soi global et la fusion avec la Conscience cosmique.

Or, on ne peut passer sous silence ni le fait que la méditation soit un ensemble de techniques, ni son but intrinsèquement spirituel, sans en oblitérer le sens. » (In Ch. HARDY, la connaissance de l’invisible, 1991, p. 81)

Derrière cette définition et celle d’Henri EY, nous reconnaissons le concept d’intention, inévitable pour les phénoménologues.

Pour James HEWITT (dans son livre « Meditation »),  la réponse traditionnelle « Pourquoi méditer?(why meditate ?) » est relativement simple; c’est « pour atteindre à la conscience mystique« .

Il fait alors référence à la conscience mystique telle qu’elle a été décrite par William JAMESen 1902 dans son livre classique « The Varieties of Religious Experience » (ed. Longmans, Green).

En voici les caractéristiques :
1.L’ineffabilité
2.Une qualité « noétique », de connaissance forte
3.L’aspect transitoire
4.La passivité, de type réceptif.

J. HEWITTexpose également la manière plus pragmatique dont les américains abordent la méditation à l’heure actuelle : il s’agit alors de méditer pour obtenir une meilleure santé et pour une meilleure relaxation psychophysiologique.

EFFETS PHYSIOLOGIQUES DE LA MEDITATION 

Ces aspects ont été abordé de manière plus scientifique et médicale à partir du livre « The Relaxation Response » du Dr. Herbert BENSON(1976, William Morrow, New York). 

Les effets principauxrelevés par H. BENSON sont : 
– diminution des battements de coeur
– diminution de la fréquence respiratoire
– diminution de la consommation en oxygène
– diminution du taux de lactate plasmatique
– régulation de la tension artérielle
– le cerveau produit des ondes alpha et théta.

D’autres auteurs reprennent les mêmes données ; pour E. MARIEB,la méditation peut produire :

« un état physiologique qui se situe presque exactement à l’opposé de l’hyperactivité d’origine sympathique. Les fréquences cardiaque et respiratoire s’abaissent, la consommation d’oxygène et le métabolisme diminuent, et les tracés électroencéphalographiques indiquent un état de relaxation profonde. Cette réaction généralisée diffère considérablement des effets locaux habituels de l’activité parasympathique, et elle tendrait à prouver que l’adepte de la méditation maîtrise consciemment son fonctionnement autonome. »
(In E. MARIEB, Anatomie et physiologie humaines, p. 472)

Dans le livre « Creative Meditation » de R. PETERSON, on trouve de nombreuses références à propos des recherches sur la méditation et ses effets. Michaël MURPHYet Stephan DENOVANont fait une étude monumentale intitulée : « The Physical and Physiological Effects of Meditation : A Review and Comprehensive Bibliography,1931-1988.

Dans « The Meditative Mind : The Varieties of Meditation Experience », Daniel Goleman, psychologue et écrivain au New York Times, a résumé un nombre remarquable d’effets physiologiques de la méditation (et de la relaxation) :
« – probablement le bénéfice physiologique le plus remarquable de la méditation, ce qui est rattaché en général plutôt à des techniques de relaxation, est la chute de la pression sanguine. Même le National Institute of Health (NIH) a recommandé la méditation (associée aux restrictions de sel et recommandations diététiques) avant toute prescription de médicaments comme premier traitement des hypertensions légères.

– La relaxation que l’on trouve dans la méditation diminue les douleurs de l’angine de poitrine et les problèmes d’arythmies, diminue les taux de cholestérol et peut améliorer la vasodilatation au niveau du cœur.

– Bien qu’on n’ait pas pu encore comprendre comment la méditation agit sur le système endocrinien, il y a quelques recherches intéressantes ; par exemple, la méditation profonde pourrait améliorer les réactions immunitaires et donc améliorer les défenses contre les tumeurs, les virus, les refroidissements, la grippe et d’autres maladies infectieuses (voir la Psycho-Neuro-Endocrino-Immunologie)

– A partir de la relaxation méditative, les diabétiques peuvent ressentir une diminution des réactions émotionnelles qui souvent précèdent les crises de diabète.

– Les asthmatiques peuvent améliorer leur capacité pulmonaire.

– Les patients qui souffrent de douleurs chroniques peuvent diminuer leur seuil de la douleur; de même, les migraines et céphalées de  tension peuvent aussi s’améliorer avec un entraînement approprié. »

Nous nous permettons toutefois de remarquer que dans les livres américains, il y a bien souvent une confusion entre les termes « méditation » et « relaxation ». Voyons d’ailleurs ce qu’en dit David FONTANA :
 » Il y a bien des récits aussi de méditants avancés dont le cerveau est capable de continuer à produire des rythmes alpha alors qu’ils sont  aux prises avec un problème complexe d’arithmétique (il s’agit-là d’une activité qui en temps normal exige du cerveau un rythme bêta, quel que soit le calme que l’on puisse conserver). L’un de mes professeurs de méditation, le vénérable Ngakpa Chögyam en a fait la preuve dans des conditions très strictes de surveillance au sein d’un département hospitalier de neurologie. Le récit de cette expérience est inclus dans l’introduction de son ouvrage Rainbow of Liberated Energy.

De toute façon, bien que la recherche ne donne pas entièrement satisfaction, nous n’en sommes pas encore à la fin de l’histoire. Des psychologues qui utilisent aujourd’hui la méditation dans leur travail cliniqueont publié des résultats montrant que, lorsque celle-ci était utilisée pour des sujets appropriés, la méditation permettait de réduire la tension, l’anxiété, et les comportements anormaux liés au stress, tels que l’insomnie, le bégaiement, la forte pression artérielle et une anomalie du rythme cardiaque, ainsi que le sentiment de culpabilité. Elle a également fait ses preuves dans d’autres domaines : elle permet de réduire la dépendance à la drogue, d’accroître la notion d’identité personnelle, d’améliorer l’humeur, de faciliter l’expression émotionnelle, enfin de stimuler la créativité, l’énergie et la capacité générale de productivité.

Malheureusement, puisque ces témoignages n’ont pas été le fait d’expériences pratiquées de façon très stricte, nous ne pouvons savoir si la relaxation aurait produit les mêmes résultats. » (In D. FONTANA, 1995, p. 48-49)  

D’après Rita CARTER, les effets électroencéphalographiques sont les suivants :  » Méditation- Différents types de méditation provoquent différents modes d’activité cérébrale. L’état recherché d' »attention passive » se caractérise par une « désactivation » des aires cérébrales normalement associées à la recherche des stimuli : le cortex pariétal (qui traite les informations spatiales du monde extérieur), le cortex antérieur (qui vérifie l’origine interne ou externe des stimuli), et le cortex prémoteur, qui programme l’action. »  (In R. CARTER, Atlas du cerveau, p. 194)

On peut également citer J.P. SCHNETZLER : « Effets biologiques (de la méditation) :

Les premières études ont mis en évidence, dans des cas de concentration sur un mantra, le plus souvent une diminution de la consommation d’oxygène et de l’élimination du gaz carbonique, couplée à une augmentation des ondes alpha à l’E.E.G., qui suggérait un état « d’éveil hypométabolique » (Wallace). La baisse du taux sanguin des lactates et du cortisol, l’augmentation de la résistance électrique de la peau, étaient en faveur d’une réduction de la sensibilité au stress et à l’anxiété. Mais la spécificité de ce type de résultat fut par la suite combattue, lorsqu’on montra qu’il se rencontrait également dans d’autres types de contrôle de soi : auto-hypnose ou sophrologie, bio-feedback, ou relaxation. Non sans malice d’ailleurs, de la part de certains, on déposséda la méditation de cette caractéristique, en oubliant que la relaxation a été tirée par Schultz (1959) de la posture du « cadavre » du Hatha-Yoga, que l’auto-hypnose est une forme particulière de concentration, pour ne rien dire de la sophrologie dont les emprunts orientaux sont patents.

Quoi qu’il en soit, on peut souligner avec certitude, en Zazen ou lors de techniques apparentées, la diminution importante de la fréquence respiratoire, qui peut atteindre 4 cycles par minute chez un sujet entraîné, et une diminution du métabolisme basal (85% de la normale). Elle rend compte de l’effet reposant de la pratique.

L’étude des yogis, maîtres en concentration, qui peuvent commander à volonté leurs fonctions végétatives, nous met en présence de phénomènes beaucoup plus intenses et diversifiés. Ils sont exceptionnels et parfois enregistrés. Des scientifiques ont ainsi pu assister à l’examen traditionnel consistant pour les candidats moines tibétains à sécher sur leur corps nu, trois fois de suite, pendant la nuit la plus froide de l’année, des draps mouillés d’un mètre sur deux trempés dans de l’eau glacée : « …en un laps de temps de trois à cinq minutes, les draps ont commencé à fumer et, quarante-cinq minutes après, ils étaient complètement secs » . Ces résultats ont été précisés par des données quantitatives sur trois moines, dont deux se montraient capables d’augmenter leur métabolisme basal de 61% et le troisième de diminuer le sien de 64%, chiffre le plus élevé publié à ce jour.  » (In B. AURIOL et al., Méditation et psychothérapie, p. 42-43)

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