LA MÉDITATION, OUTIL SOPHROLOGIQUE ? 2e partie

Par le Dr Philippe ANTOINE,Neuropsychiatre, Président de la Société Belge de Sophrologie et de Relaxation (SBSR), fondateur de l’Ecole de Méditation Intégrative.

Avertissement : cet article est la reproduction d’un article paru dans le cahier de la SBSR (Société Belge de Sophrologie et de Relaxation) en 2003. Il s’agit donc d’une ancienne publication dont certaines données sont périmées mais la structure de base et le fait qu’il ait déjà été publié nous oblige à le publier sans le modifier.
Pour une bibliographie plus récente, voir la rubrique « Liens » du site.

NB : Pour toute citation, il faut donc indiquer « La méditation, 1ère, 2èmeou 3èmepartie par le Docteur Philippe ANTOINE, cahier de la SBSR, 2003 » ou bien www.meditation-integrative.eu.

PSYCHOLOGIE DE LA MEDITATION

 Après avoir exposé le versant « objectif » de la méditation (effets physiologiques), nous passons au vécu plus subjectif de celles et ceux qui la pratiquent (expérience psychologique). Nous donnons ici un simple aperçu de ce que disent divers auteurs à propos de la « PSYCHOLOGIE DE LA MEDITATION »

Du monde extérieur au monde intérieur

            Nous savons que nous ne connaissons pas le monde extérieur « tel qu’il est » mais toujours à partir d’une reconstruction perceptive et d’une intégration cérébrale. Notre monde intérieur est à la fois un « réceptacle » de tout ce qui vient de l’extérieur à travers nos sens et aussi un « transformateur » qui nous permet de « recréer » le monde et de l’imaginer. C’est également dans notre monde mental ou psychique que nous formons des plans, que nos intentions surgissent et que nos motivations nous permettent de poser des actes qui changent notre propre environnement et nos relations au monde.

            Cela peut paraître évident. Cependant, notre culture occidentale « oublie » de nous apprendre que la méditation est sans doute le meilleur moyen d’arriver à cette adéquation entre le monde extérieur et le monde intérieur, entre le pôle « sujet » et le pôle « objet ». 

Bref parcours occidental de la méditation  

            Paradoxalement, les traditions orientales sont mieux connues en Occident que nos propres traditions ; c’est d’ailleurs à partir de la pratique Za-Zen, issue du bouddhisme japonais, que Caycedo a établi le troisième degré de dynamiqueméditative en sophrologie. Il est donc intéressant d’exposer brièvement certaines pratiques occidentales.

            La chrétienté a maintenu la pratique de la méditation sous diverses formes qui, le plus souvent, ont été rattachées à la prière. De nombreuses dénominations existent suivant les auteurs et les époques : oraison, contemplation, méditation, adoration,…

            L’ exemple classique est celui de l’Hésychasme, pratique développée par les chrétiens d’orient dans les premiers siècles. Il s’agit d’un enseignement initiatique chrétien dont l’aspect pratique rejoint les grandes traditions de la méditation. La pratique la plus typique est celle de la répétition inlassable du « Kyrie eleison » (« Seigneur, prends pitié »)exactement comme on répète les mantras en Inde (il s’agit d’ailleurs du même principe), dans une certaine attitude corporelle, suivant un rythme respiratoire particulier. Les pratiquants de l’Hésychasme modulent sans cesse leur chant pour atteindre un état de profonde méditation. 

            Dans un rapide survol historique, on peut remarquer que le mot méditation a pris diverses connotations au cours de siècles. 

            Les dictionnaires définissent généralement la méditation comme signifiant « tourner et retourner dans ses propres pensées, réfléchir profondément, essayer de trouver la signification des pensées ou des sentiments intérieurs, … » ; c’est un processus de concentration intérieure centrée sur les pensées, ce qu’on peut appeler un processus noétique ou de l’ordre de l’intelligible (par opposition au monde du sensible, de l’action, et de ce qui vient du cœur). Il s’agit d’un processus plutôt intellectuel, spéculatif que méditatif au sens fort. Malgré tout, ce type de pratique est une ouverture à la dimension intérieure de l’être humain.

            Voici quelques définitions classiques :

« MÉDITATION n.f. (lat. meditatio, -onis)

1.Action de réfléchir, de penser profondément à un sujet, à la réalisation de qqch; réflexion approfondie. 2.Attitude qui consiste à s’absorber dans une réflexion profonde; recueillement. 3.Titre donné à des écrits portant sur un sujet philosophique ou religieux (avec maj.).

ENCYCL. Dans les religions de l’Inde, la méditation, techniquement parlant, correspond à l’étape de dhyana, où l’homme se concentre entièrement sur un point par le moyen de son mental (manas), jusqu’à ce qu’il atteigne la dernière étape, celle du samadhi. L’équivalent du terme dhyanaest zenau Japon et chanen Chine. Dans le bouddhisme, la méditation se nomme vipassana(« regard intuitif »); elle se pratique en développant la concentration sur la respiration (anapana) et les diverses sensations du corps. » 
(In Grand Dictionnaire Encyclopédique Larousse, 1984, p. 6794)

« MÉDITATION
La méditation est une réflexion prolongée, guidée et soutenue par une méthode. Elle peut être savante ou philosophique, religieuse ou profane, d’expression littéraire ou spontanée. Elle porte sur n’importe quel objet de pensée, pourvu que l’esprit s’y applique avec soin, avec constance; il y faut un effort psychologique (recueillement) et un effort logique d’ordre et d’analyse (ce qui la distingue de l’association libre ou de la rêverie).

Si l’on veut mesurer l’écart qui subsiste entre une méditation où prédominent représentations distinctes, discours intérieur, réflexion articulée, et une méditation de repli silencieux, de paix unificatrice, d’indivision des facultés, il suffit de penser soit à l’hésychasmede l’ascèse orthodoxe, qui exténue l’émoi de conscience par la dépossession du coeur, soit au dhyânabouddhique ou hindou, qui supprime toute adhérence, qu’elle soit de désir, d’intellection, de satisfaction, et qui parvient au détachement total (même dans un corps toujours conscient de ses attaches), soit enfin aux techniques du yoga : le contrôle du souffle et la concentration intime aboutissent au vide mental, aux surperceptions, à l’intuition de l’un, ou, plus simplement, à l’exonération de toutes les tendances, même dans le besoin apparent; l’état d’identification (samâdhi) laisse agir le corps en automate, tandis que l’esprit est ailleurs, absorbé et ramassé en un point fixe.

C’est cependant par fausse équivalence que les Occidentaux assimilent à la méditation les exercices d’éradication de soi que l’Orient prescrit à l’individualité psychosomatique (dont les limitations sont illusoires, illusionnantes). Bien que le latin meditor(également le grec meletaô) puisse désigner n’importe quel entraînement, n’importe quelle application, l’activité méditante implique dans les traditions d’Occident un élément de rationalité, une mise en forme de la pensée, qui peut être éventuellement une étape vers la contemplation pure (sans repères, ni sensible, ni intellectuel) ou vers l’extase mystique, mais qui ne peut se confondre avec aucun procédé de dé-liaison, d’indifférenciation, d’effacement des divers registres de l’affectivité et de la réflexion conscientes. »
(Thesaurus de l’Encyclopaedia Universalis, 1985, tome 2, p. 1910)

La phénoménologie

            Au début du XXème siècle et sans confrontation directe avec l’Orient, la phénoménologie marque une étape importante dans l’évolution de la pensée philosophique occidentale. Edmund HUSSERL, « père » de la phénoménologie au même moment où FREUD devenait le « père » de la psychanalyse, fait directement référence au mot « méditation ». La « suspension -ou abstention- du jugement » (épochè) est un processus typiquement méditatif. Le retour aux choses elles-mêmes (réduction phénoménologique) nous permet d’arriver à « l’essence » de la chose. 

Les pratiques classiques de méditation suivent exactement le même processus, à la différence près, et elle est énorme, qu’il est nécessaire de définir un cadre psychique (processus mental) et un cadre physique (pratiques corporelles) dans le cas des méditations classiques traditionnelles (c’est fondamental pour le processus d’unification qui est à la base de la méditation). 

De toute façon, la pratique de la phénoménologie nécessite également une certaine ascèse. On peut donc penser que les véritables pratiquants de la phénoménologie, qui en font une philosophie pratique, font de la méditation au même titre que certains orientaux.

            En Occident, le courant alchimique, remis à l’honneur en psychologie par C.G. JUNG, a maintenu la pratique de la méditation ; la formule bien connue « ora et labora » signifie que l’oratoire était toujours à côté du laboratoire; avant de passer à la pratique concrète et matérielle, l’alchimiste devait d’abord se recueillir et prier (ora) ou méditer (puisque, en Occident, le mot prière recouvre également la pratique de la méditation). Et cette pratique était considérée comme très importante pour les alchimistes. Il fallait à la fois le recueillement intérieur et la pratique extérieure.

PSYCHOLOGIE OCCIDENTALE ET MEDITATION 

            Quelques grands représentants de la psychologie au XXème siècle ont proposé des pratiques basées sur la méditation.

            Voici ce qu’en dit André VIREL (1977,..) dans son « Dictionnaire de Psychologie (p.177) » : « MEDITATIVES (techniques et méthodes). Nom générique donné à des psychothérapies d’auteurs allemands utilisant l’imagerie mentale : Frederking, Happich, Kluge et Thren, E. Kretschmer, W. Kretschmer, Leuner, Mauz, Schultz, entre autres. » 

            On trouve un bon résumé de certaines de ces méthodes dans les livres de Roberto ASSAGIOLI et de Marie-Louise von FRANZ qui tous deux font référence au même article du Professeur Wolfgang Kretschmer (de la Clinique Psychiatrique de l’Université de Tübingen) : « Die meditativen Verfahren in der Psychotherapie » (1951).

            W. KRETSCHMER considère que le premier psychiatre occidental qui parle de la pratique de la méditation est Johannes Heinrich SCHULTZ (1884-1970), inventeur du Training Autogène, méthode intégrée plus tard en sophrologie par CAYCEDO.

            Nous reprenons ici ce que dit R. ASSAGIOLI :

            « Le psychothérapeute qui veut employer des techniques de méditation doit d’abord être capable de méditer lui-même.« 

commentaire: cela paraît évident. De même que le psychanalyste doit avoir fait lui-même une psychanalyse, c’est également une règle générale pour la méditation comme pour la relaxation ; si les thérapeutes eux-mêmes ne font pas de relaxation ni de méditation et qu’ils/elles les proposent à leurs patients, cela n’a pas vraiment de sens.

            Retenons que SCHULTZ a employé le mot « méditation » dans le Training Autogène et que les stades qu’il propose de franchir sont basés sur la pratique de la relaxation simple dans un premier temps et ensuite d’arriver à ce qu’il appelle la méditation.

            « … Dans ces stades, après qu’un degré suffisant de relaxation physique générale a été atteint, le sujet est habilement amené à des fantaisies symboliques. Ensuite on visualise des couleurs et des objets. On cherche à avoir l’expérience de représentations symboliques d’idées qui sont comprises habituellement dans l’abstrait, de ses propres sentiments, et finalement des problèmes moraux les plus élevés, de façon à amener les tendances inconscientes à se manifester de façon visible par le symbole. Les rêves sont semblables à la méditation, sauf qu’avec la méditation on dispose, pour évoquer la réaction de l’inconscient, d’une technique systématique avec laquelle on obtient des résultats plus rapides que lorsque l’on est obligé d’attendre que les rêves se présentent« .

            Et SCHULTZ en arrive à la question : « Quel est le but de la méditation ? » : il s’agit de  « la formulation de « valeurs existentielles fondamentales ». Cela signifie que celui qui médite doit s’efforcer d’atteindre une conception de la vie orientée vers la réalisation de soi, la liberté et l’harmonie psychologiques et vers la créativité.« 

            Ensuite, R. ASSAGIOLI reprend d’autres auteurs, en particulier Carl HAPPICH :

            « La technique de méditation développée par Carl Happich, Professeur à la Clinique de Darmstadt, est plus systématique et d’une plus vaste portée humaine. Elle commence par la physiologie et aboutit au domaine religieux.« … 

            « Comment procéder pratiquement ? Une fois atteinte la relaxation selon la méthode de Schultz, ou par d’autres méthodes plus directes, Happich attribuait une valeur spéciale à la respiration, en tant que mesure de l’état affectif qui change avec l’attitude « permissive » de la méditation. Il encourageait, aussi bien avant que pendant la séance thérapeutique, une passivité croissante de la respiration. La plupart des sujets peuvent atteindre cet état seulement par des exercices progressifs de respiration.

            Après avoir acquis une certaine expérience des réactions physiologiques aux exercices de respiration, on peut tenter le premier exercice psychologique, appelé la « Méditation de la prairie ». Le sujet doit répéter à la première personne les mots de celui qui dirige la méditation et imaginer qu’il quitte la pièce, s’en va à travers la ville jusqu’à la campagne et arrive à une prairie bien verte et couverte de fleurs, et qu’il la regarde avec plaisir. Ensuite où il se trouve physiquement et rapporte ce qu’il a éprouvé.« 

            Après ce type de méditation, Carl HAPPICH propose la « Méditation de la Montagne » et ensuite la « Méditation de la Chapelle« . Ces trois symboles, la prairie, la montagne et la chapelle ont bien sûr une signification archétypique. 

            « Que son système de méditation fut basé sur des sains principes psychologiques, est un fait confirmé par les résultats de l’école de Jung. On a rapporté des rêves où une montagne se dresse dans un paysage et au sommet de la montagne se trouve un temple. De telles images symboliques ont été considérées comme un indice de la fin du processus d' »individuation », comme un symbole de la réalisation de la « spiritualité. Mais dans la méditation on n’a pas à attendre que les symboles nécessaires soient produits spontanément, comme pour l’analyse des rêves« .

            commentaire: nous pouvons être d’accord avec R. ASSAGIOLI pour dire que la méditation est un processus plus actif que le rêve et qu’elle permet un travail plus profond. Il ne faut évidemment pas généraliser mais on peut remarquer que, dans la méditation, le sujet travaille sur lui-même par lui-même ; il existe dans le rêve un côté plus « aléatoire » ; on dit que le sujet « est rêvé » plus qu’il ne rêve et tout dépend alors de l’importance que l’on accorde au « message » de l’inconscient. Nous pouvons  penser qu’il existe des rêves très chargés de signification et d’autres relativement banaux.

            « Le stade supérieur de la méditation selon Happich est celui de la « méditation sur le dessin » ou Mandala (d’après un mot sanscrit, très utilisé par Jung, désignant un dessin abstrait ayant un centre., employé particulièrement dans le Bouddhisme Thibétain comme sujet de méditation) »… 

            « Une forme de méditation encore plus abstraite est la « Méditation sur la Parole » dans le but de déceler l’importance humaine centrale d’un mot ou d’une maxime. La méditation sur les dessins et sur les paroles est de la plus grande importance pour le développement du sens religieux.

            Happich applique le sain principe de l’égalité de l’activité rationnelle et irrationnelle pendant le cours de la méditation.

            D’autre part, on ne devrait pas méditer sur des symboles ou des dessins qui stimulent des émotions négatives dangereuses…. »

            Dans son livre « Psychothérapie », Marie-Louise von FRANZ met directement en parallèle l’imagination activede C.G. JUNG et les techniques de méditation.

            Bien que l’imagination active ne se définisse pas comme une méditation, Marie-Louise von FRANZ est désolée que certains auteurs comme SCHULTZ, HAPPICH et autres,  parlent de méditation en se fondant, en partie, sur les travaux de C.G. JUNG sans le citer. Voici ce qu’elle dit :

            « …On s’étonne de voir que le Dr Wolfgang Kretschmer, dans son article « Les procédés méditatifs en psychothérapie » (« Die meditativen Verfahren in der Psychotherapie », dans Zeitschrift für Psychotherapie und medizinische Psychologie, vol. I., n°3, mai 1951), offre une description fouillée des différentes techniques de Schultz-Henke*, Carl Happich, René Desoilles et Friedrich Mauz, entre autres, mais qu’il omet ne fut-ce que de mentionner l’imagination active de C.G. Jung, développée et publiée avant l’ensemble des techniques présentées dans l’article; or, celle-ci a, sans conteste, marqué les psychologies citées et influencé leurs techniques« .

*N.B.M.-L. von FRANZ confond ici elle-même J.H. SHULTZ, inventeur du Training Autogène avec HaraldSCHULTZ-HENCKE,(18.8.1892Berlin-23.5.1953Berlin), psychiatre et psychanalyste allemand contemporain. De plus, J.H. SCHULTZ dit ceci lui-même « Le cycle supérieur de notre méthode entretient des relations étroites et directes avec les méthodes de C.G. JUNG » (p.181 de la trad. Franç. du Training Autogène) !

Ensuite, Marie-Louise von FRANZ expose comment se pratique l’imagination active : 

             » Premièrement, il est nécessaire de retrouver la vacuité de notre conscience du moi, c’est-à-dire qu’il faut se débarrasser du flux ininterrompu de pensées qui s’écoule en nous. »  
Commentaire: ce que dit ici Marie-Louise von FRANZ correspond exactementà ce que la plupart des auteurs considèrent comme le premier stade de la méditation. C’est également le début de la méditation pour Sri AUROBINDO (voir plus loin).

            « Deuxièmement, il faut laisser les fantasmes émergés de l’inconscient pénétrer dans le champ de la perception intérieure. Contrairement aux techniques orientales mentionnées, nous accueillons ces images, au lieu de les chasser ou de les ignorer. Nous dirigeons, au contraire, notre concentration sur elles. » …

            « Troisièmement : cette phase consiste à donner une forme au fantasme perçu intérieurement en écrivant, peignant, sculptant, composant ou en dansant (y compris la notation de la « chorégraphie » des mouvements) l’expérience qu’on vient de faire. La danse permet au corps de participer, ce qui est indispensable, en particulier dans les cas où certaines émotions et la fonction inférieure sont inconscientes au point de demeurer comme ensevelies dans le corps. Il est souvent utile d’inventer un petit rituel comme, par exemple, allumer une chandelle ou marcher en cercle, etc. Cela favorise l’entrée de la matière inorganique dans la ronde. Jung me dit un jour que ces gestes rituels étaient encore plus agissants que l’imagination active habituelle en ajoutant qu’il n’était pas en mesure de m’en donner une explication« …

            « La quatrième est la phase décisive, celle aussi qui est absente dans la plupart des techniques imaginatives, puisqu’il s’agit de la confrontation éthique ou morale avec ce qui a été produit. …Jung a remarqué à l’occasion que la psychiatrie a découvert ce procédé de méditation jusqu’à la troisième phase, mais qu’à ce jour le quatrième stade n’est pas encore compris, la plupart des techniques imaginatives s’arrêtant avant ce seuil« .

            A noter que dans cette pratique d’imagination active, C.G.JUNG s’oppose à ce que disait précédemment C. HAPPICH, à savoir qu’il ne faut pas méditer sur des contenus mentaux négatifs. Cela fait aussi partie de l’enseignement classique en méditation, de ne  pas choisir un symbole considéré comme dangereux ou négatif.

TRADITION ORIENTALE ET MEDITATION 

            Au lieu de refaire ici un exposé concernant les différentes pratiques traditionnelles orientales dont les plus répandues en occident sont les méditations tibétaines, Vipassana et za-zen,  nous prendrons comme exemple Sri AUROBINDO, peut-être moins connu, mais représentatif d’une possible articulation et d’une synthèse entre l’orient et l’occident, de même qu’il a écrit une « Synthèse des Yogas ».

Voici comment Aurobindo raconte son expérience primordiale de la méditation :
« J’ai une grande dette envers Lélé pour m’avoir montré ce mécanisme : «Asseyez-vous en méditation,me dit-il, mais ne pensez pas, regardez seulement votre mental; vous verrez les pensées entrer dedans. Avant qu’elles ne puissent entrer, rejetez-lez, et continuez jusqu’à ce que votre mental soit capable de silence complet. »

Je n’avais jamais entendu dire avant, que les pensées puisent venir visiblement du dehors dans le mental, mais je ne songeai pas à mettre en doute cette vérité ou cette possibilité; simplement, je m’assis et fis comme il m’était dit. En un instant, mon mental devint silencieux comme l’air sans un souffle au sommet d’une haute montagne, puis je vis une, deux pensées venir d’une façon tout à fait concrète, du dehors. Je les rejetai avant qu’elles ne puissent entrer et s’imposer à mon cerveau. En trois jours, j’étais libre. A partir de ce moment, l’être mental en moi devint une Intelligence libre, un Mental Universel. Ce n’était plus un être limité au cercle étroit des pensées personnelles, comme un ouvrier dans une usine de pensées, mais un récepteur de connaissance qui recevait des cents royaumes de l’être, libre de choisir ce qu’il voulait dans ce vaste empire de vision et ce vaste empire de pensée.« 
( cité par SATPREM dans « Sri Aurobindo ou l’aventure de la conscience », 1962, p. 56) 

Les premières lignes de ce texte, mises en évidence, peuvent constituer le point de départ de toute méditation simple mais la simplicité de cette pratique n’est qu’apparente ; à partir de ce « silence mental » qui forme la première étape de son Yoga, AUROBINDO découvre alors de multiples plans de conscience dans une perspective évolutive très intéressante.

Docteur PhilippeANTOINE, Neuropsychiatre, Président de la SBSR.